sâmbătă, 28 aprilie 2012

Prima sovietizare: încercarea de acaparare a Principatelor române de către ruşi dintre 1827 şi 1848 descrisă de Ion Ghica (X)

1841

De retour à Bucarest vers la fin de l’hiver, il [Bibesco] trouve Manuel Baliano sortant d’un exil de quelques jours où le Prince l’avait envoyé pour s’être permis dans la Chambre quelques observations sur les comptes de la milice. Il avait dit que dans la cavalerie il n’y avait pas le nombre de chevaux qui figurent dans les cadres. Bibesco per­suade à Baliano que le seul moyen de se venger du prince Ghica était de proposer la naturalisation du général Kissileff, car alors la Russie sûre de le faire élire Prince n’aurait plus à craindre de voir élire quelqu’un d’hostile à ses vues et à sa politique et abandon­nerait Baliano plus vindicatif que mauvais Valaque. Le Prince décon­certé fait faire une petite opposition par quelques uns de ses fidèles. Mais personne n’a le courage ni de parler ouvertement, ni de voter contre. La proposition de naturalisation avec le grade de Bano et une terre de quarante mille ducats est votée à l’unanimité. Le Prince menacé dans sa position s’appuie du consul d’Autriche, Timoni, et obtient du prince Metternik l’assurance que l'Autriche le soutiendrait auprès de la Porte dans le cas où la Russie chercherait à le renverser. Le Prince se croyant fort de cette assurance ne veut plus écouter les conseils du consul de Russie. Il veut gouverner sans la participation de Mr. Daskoff. Il fait de Billecoq et de Timoni sa société et refuse à revenir, comme par le passé, par la décision des procès, à la représen­tation du Consulat de Russie. Un refroidissement très marqué existe dans les relations du Prince et de Daskoff.

Les frères Bibesco et Stirbey profitent de l’occasion pour entraîner le consul de Russie de leur côté et s’appuient de son influence pour les élections générales qui se préparent pour le mois d’octobre 1841.

Après neuf mois d’instruction de l’affaire Mitica Philippesco et accusés, une cour ad-hoc est instituée. Elle se compose du Divan Suprême et du Divan Criminel réunis. Les membres de ces Divans sont:

Pour le Divan Suprême: Georges Phillippesco, président; Théodore Vacaresco, membre, Stefan Balatschano, membre, Michel Racovitza, membre, Nicolas Soutzo, membre.

Pour le Divan Criminel: Argyropoulos, président; Georges Vacaresco, membre, Jean Golesco, membre, Alexandre Floresco, membre, Mathieu Greciano, membre.

Le colonel Golesco est chargé de remplir auprès de cette Cour les fonctions de procureur extraordinaire. Après plusieures séances de débats et un plaidoyer chalereux de ce procureur ad-hoc qui demande la tête des accusés afin dit-il que le Prince puisse exercer sa clémence, les accusés sont presque tous déclarés coupables de haute trahison et condamnés.

Dès la deuxième séance, Georges Philippesco, le président de cette Cour, s’était déclaré incompétent; l’un des accusés - Mitica Philippesco - était son neveu. Il n’est point remplacé.

La sentence n’est pas moins mise à exécution dans toute sa rigueur, mais singulière justice, l’un des principaux accusés, le Français Vaillant - à la suite d’une note du Consulat de France, par laquelle Mr. Billecoq demande au gouvernement de lui faire connaître la culpabilité de son sujet ou de le faire mettre en liberté - est immédiatement libéré. Mitica Philippesco déclaré le chef de la conspiration est condamné à dix ans d’exil dans le couvent de Snagov, tandis que ses coaccusés: Telegesco, Sotir, Marin et quelques autres sont condamnés aux travaux des mines de sel à perpétuité. Cette sentence est rendue dans le courant du mois de mai.

Le Consulat de Russie, pour se rendre populaire, s’apitoie sur le sort de ces malheureux; il est affable et consolant pour les amis et les parents des condamnés, qui vont reclamer son intervention; tout en ne faisant aucune démarche, il critique hautement le Prince et les juges.

Dès ce moment, c’est à qui serait le plus populaire du Prince ou du consul de Russie. Le Prince se décide à protéger les paysans contre les propriétaires. Jean Rosetty ayant une terre qu’il vend par petits lots à des paysans, quelques boyards poussent les hauts cris et réclament contre les paysans de leurs terres qui vont sur la terre de Jean Rosetti. Le Prince répond à toutes ces réclamations en reconnaissant au paysans le droit de transmutation. Malheureusement il ne fait aucune justice aux paysans qui réclament contre Rosetty qui a abusé de leur bonne foi. Ils ont acheté des stangènes [stânjeni] croyant que c’était le stangène agraire usité en Valachie qui sur un stangène de largeur en a de mille à cinq mille de profondeur; tandis que Rosetty le leur a vendu des stangènes carrés sans leur expliquer.

Le Prince et le consul se haïssent tous les jours davantage. À la nouvelle qu’il y a des mouvements en Bulgarie et que quelques centaines des leurs accourent de la Russie pour aller organiser une insurrection, il expédie l’ordre à Braïla de s’emparer des principaux chefs ou de profiter de la moindre résistance de leur part pour les exter­miner, les autorités de Braïla sc montrent empressées de faire embarquer les Bulgares qui arrivent. Mais ceux-ci ayant fait mine de se défendre et de ne pas vouloir entrer dans les deux barques qu’on leur avait pré­parées en disant qu’elles étaient trop chargées et qu’elles pouvaient chavirer, le chef militaire commande le feu et la plupart restent sur place.

Le consul de Russie forcément compromis dans cette affaire n’ose faire aucune remontrance au Prince; au contraire il cherche à obtenir du Prince la non-mise en accusation de Constantin Soutzo dont la culpabilité ressort de toutes les dépositions. Il y réussit. Néanmoins dès que l’époque des élections arrive, la coalition Georges Philippesco, Alexandre Philippesco, Stirbey, Bibesco el Vellara, forte de l’appui ouvert du Consulat de Russie et de la coopération de l’archevêque, obtient la grande majorité pour leur candidat et dans les provinces et dans la capitale.

Aussitôt réunie, la Chambre nomme une commission pour la rédac­tion d’une adresse au Prince. Bibesco el Vellara en font partie. Cette adresse est votée à une très grande majorité et contient plus de vingt chefs d’accusation contre l’administration. Elle commence en témoignant adroitement au Prince la satisfaction de la Chambre pour l’apaisement des troubles de Braïla; elle lui énumère ensuite les abus commis à l’occasion: de l’alignement des maisons dans les villages; de la construction des maisons communales; de la construction des maisons d’école; des greniers de réserve; pour l’entretien des dorobantzs; le recrutement; la réparation des routes; les dépenses occasionnées dans les villages par les administrateurs; les manœuvres des employés du gouvernement pour obliger les paysans à livrer leurs produits à la moitié et au tiers de leur valeur; la vénalité des places des sous-administrateurs; les abus des municipalités des villes; l’exaction des tribunaux; l’ingérence du gouvernement dans les procès; le désordre dans les finances; l’esprit de désordre dans la milice; l’injustice dans les avancements.

Ce sont les Villara, les Georges et Alexandre Philippesco, les Bibesco, en un mot tous les anciens ministres qui ont inventé, organisé et commis tous ces abus, qui viennent en accuser le Prince. L’occasion est belle et le Prince, tout en ayant eu le tort d’avoir laissé le champ libre à toutes ces exactions, il n’avait pas celui d’en avoir profité et pouvait en toute sécurité ordonner une enquête dont le résultat eut été un coup terrible pour la plupart des signataires de l’adresse. Mais il a la faiblesse de reculer de cette mesure. D’ailleurs ces messieurs jouaient à coup sûr. Le consul de Russie leur avait garanti l’inaction du Prince. En effet il va le trouver et lui promet de le soutenir à St. Petersbourg et à Constantinople s’il se conduit avec modération et s’il cherche à se concilier petit à petit les différents membres de l’Assemblée. Le Prince laisse échapper l’occasion, n’y répond pas. Plus tard il répond à des réclamations de la Chambre sur la mutation des paysans par deux officiers qui sont des modèles de style et du libéralisme et qui resteront comme souvenirs ineffables dans l’esprit des paysans.

L’adresse communiquée aux deux Cours a pour résultat l’envoi de deux commissaires.

Le général Duhamel arrive le premier dans le courant du mois de Juillet et se montre très bien disposé pour le Prince, lui promet son appui; il lui conseille seulement d’éloigner des affaires les trois hommes les plus compromis:
Michel Ghica
Constantin Cantacuzène
et Jean Mano.

Ils sont remplacés par Théodore Vacaresco, Constantin Soutzo et Nicolas Golesco. À la place de Constantin Soutzo au Contrôle on place Campiniano. Le ministère se compose ainsi:
Théodore Vacaresco à l’Intérieur,
Constantin Soutzo à la Postelnicie,
Constantin Ghica spadar,
Michel Cornesco à la Justice,
Heresco à la Vestiarie,
Constantin Balatschano au Culte,
Campineano au Contrôle.

Sous main et par l’entremise de Bibesco et de Villara, le général Duhamel fait signer aux députés des doléances aux deux Cours. Lorsque le papier porte un assez grand nombre de signatures, il part. Bibesco et Stirbey prétextent des voyages et partent presqu’en même temps. Le Prince est prévenu par quelques-uns des députés qui le tiennent au courant de tout ce qui se passe; mais il a des lettres de Vienne qui lui assurent l’appui du prince Metternich, et Schekib Efendi, le commissaire de la Porte, lui promet sa protection à Constantinople. Les boyards de l’opposition parviennent à intéresser ce dernier à leur cause. Quelques semaines après la réception d’un sabre d’honneur envoyé par le Sultan, au moment où le consul d’Autriche lui donnait les meilleures nouvelles de Vienne et de Constantinople de la part du prince Metternich et du comte Sturmer, le médecin Arsaki va trouver le Prince et lui annonce sa destitution. La compagnie des mines de sel: Vellara, Oteteleschano, Arsaki, Germani et Cie venait de recevoir un courrier de Constantinople par lequel leur correspondant de Constantinople leur annonçait que la somme prescrite avait été comptée à la personne en question, vu que le firman de destitution du prince Ghica avait été signé; le Prince signe une démission et deux jours après lorsqu’il reçoit la nouvelle officielle de son capukéhaja part pour la frontière de Transylvanie et passe à la Tour Rouge.

Le gouvernement reste entre les mains des trois caïmacams pre­scrits par le Règlement: le Grand Vornic, le Logothète de la Justice et le président de la Haute Cour, [à] savoir Georges Philippesco, Théodore Vacaresco et Michel Cornesco.

Cette Caïmacamie n’agit que par Vellara qui lui transmet les volontés de Mr. Daskoff. Elle s’occupe aussitôt de dresser la liste des candidats.

Campineano, le candidat que la Russie redoutait, est écarté. Il n’est pas mis sur la liste, tandis que les deux frères Ştirbey et Bibesco sont admis malgré l’article du Règlement relatif à l’élection du Prince qui exige de tout candidat la condition d’être noble de trois générations, c’est-à-dire qu’il soit pour le moins petit fils de boyard, condition que les deux frères Bibesco et Stirbey ne remplissaient pas.

Sous le prétexte que l’élection ne pourrait être faite assez vite, la Caïmacamie s’est permis de changer le mode de procéder au scrutin, et au lieu de passer successivement tous les candidats au ballotage ainsi que cela est préscrit pas le Règlement, les trente candidats sont partagés en six séries de cinq candidats chacune. On distribue aux électeurs par cinq boules, dont l’une blanche pour chaque série. C’était là une véritable supercherie, car sur trente candidats il n’y en avait qu’une dizaine de sérieux, c’était Georges Philippesco, Alexandre Philippesco, Jean Philippesco, Baliano et les deux Alexandre Ghica, Stefan Balatschano, Michel Cornesco, Constantin Ghica, Stirbey, Bibesco et deux ou trois autres. Or, en plaçant les autres candidats sérieux par deux ou par trois dans une même série et les deux frères Stirbey et Bibesco chacun dans une série séparée ou compagnie de candidats insignifiants, on créait un moyen sûr de leur assurer une majorité au dessus de celle des autres. Ainsi les deux Philippesco, Georges et Alexandre, qui avaient des partisans communs, se sont neutralisés les votes l’un à l’autre.

Mr Daskoff dit le lendemain assez justement que sa femme avait accouché d’un enfant et lui d’un Prince de Valachie.

Le poète Eliad, dès le lendemain il chante le prince Bibesco comme il a chanté tous les dispensateurs de gratifications qu’il a trouvé sur son passage, comme il a chanté avec une égale ardeur Grégoire Ghica, l’Empereur Nicolas, Kissileff, Alexandre Ghica:

Doi Joi se răsboesc si fulgerul jos plumba ...
(Deux Jupiters luttent et la foudre touche...)

Il prodigue ses éloges et admiration [pour] Bibesco. Il écrit dans son Curieru Romanescu des éloges pompeux pour tous les discours vides de sens et ampoulés du Prince qui ne respirent qu’orgueil, vanité et allusions insultantes pour son prédécesseur.

Un autre poète familier, Aristias, écrit des Stances épiques à la Homer que le Prince paye fort généreusement malgré le rire qu’elles suscitent à la lecture, il y est traité de Phébus, d’Apolon, de Daphné.

Tu Feb, Apolon ager, Daphné argintar etc...
(Toi Phèbe, Apolon fort, Daphné à l'arc d’argent...)

Cornelia Bodea, Faţa secretă a mişcării prepaşoptiste române – Unitatea naţională, Editura Academiei române şi Editura Nestor, Bucureşti, 2004, pp. 225-279

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