marți, 14 august 2012

Prima sovietizare: încercarea de acaparare a Principatelor române de către ruşi dintre 1827 şi 1848 descrisă de Ion Ghica (XIII)


1844

Un autre projet de loi est présenté à l’Assemblée, il a pour but de modifier la loi civile sur le régime dotal; on voulait accorder au mari le droit qu’il n’avait pas jusque là, de pouvoir engager dans certaines circon­stances la dot de la femme et de la rendre responsable de tous les dommages si sa fortune ne pouvait y suffire. L’opinion se prononça très fortement contre cette proposition du gouvernement comme une atteinte à la for­tune de la famille. L’Assemblée la rejeta à une très forte majorité.

Cette proposition fit beaucoup de tort au Prince, car tout le monde connaissait ses démelés avec sa femme, ainsi que sa résolution de la répudier pour épouser Marie Vacaresco, la femme de Constantin Ghica, tout en se réservant l’usufruit de la fortune de sa première femme, qui était considérable. Le refus de l’Assemblée de sanctionner la loi dotale affecta le Prince au point qu’il ne put se con­tenir. Il destitua de leurs emplois judicieres et administratifs tous les députés qui avaient voté contre la loi dotale; entr’autre il ordonna l’élection intempestive du président de la municipalité el usa de toute son influence pour faire élire à ce poste Constantin Bellio en rem­placement du vestiar Alexandre Ghica, qui avait voté contre la propo­sition du Prince. Bezdadé Charles Ghica, Grégoire Cantacuzène et plusieurs autres députés furent également destitués. Quant à ce qui l’intéressait personnellement dans la loi qu’on venait de rejetter, pour obvier aux difficultés qu’il rencontrait de pouvoir disposer des biens de sa femme, il la fit declarer par les tribunaux atteinte d’alliénation mentale, et demanda formellement le droit de se remarier. Il devait cependant à cette femme sa position, sa considération et sa for­tune. Il fit nommer par décision judicière une tutelle sous sa direction pour gérer la fortune de sa femme pour le compte de ses enfants. Vellara et Voulpé furent désignés pour cette gestion.

Le prince Bibesco demande une entrevue à Fokschani avec le prince Stourdza. Là il lui propose de s’unir à lui pour demander aux deux Cours la suspension des Assemblées. Mais le Prince de Moldavie s’y refuse en disant que pour son gouvernement la Chambre était un moyen plutôt qu’un obstacle et l’entrevue des deux Princes n’eut pour résultat que la suspension d’un journal intitulé la feuille scientifique et littéraire (Foea ştiincifică şi literara) qui se publiait depuis neuf mois à Jassy. Ce fut là une mesure tout-à-fait arbitraire, car cette feuille n’avait aucune tendance politique, elle n’allaquait en rien le gouvernement. Elle n’avait que l’inconvénient d’être très répandue et d’avoir acquis une grande réputation dans les deux Principautés, en Transylvanie, dans le Banat, en Bucovine et même en Bessarabie.

Depuis quelque temps il était venu de la Russie un industriel nommé Trandafiroff fortement recommandé par les ministres russes au Prince Bibesco et à son frère Stirbey. Son arrivée avait été précédée en Moldavie de quelques bons avis. Des personnages haut placés et des généraux en réserve qui ont joué même depuis des rôles marquants avaient écrit de Petersbourg et de Moscou à leurs amis et parents de Jassy d’éviter toute relation d’argent avec le dit Trandafiroff et surtout de se tenir bien en garde contre son adresse dans l’art de faire sauter la coupe.

Cet industriel accompagné du major Cavalenski officier du corps des mines de l’Empereur de Russie parcourt la Valachie dans tous les sens pour explorer soit-disant la richesse minérale du pays. Mais au lieu de faire des recherches il passe quelques semaines à signer des contrats avec tous les propriétaires qu’il peut attrapper indistinctement; sa manière d’agir ressemble beaucoup plus à une exploitation de la bonne foi des propriétaires qu’à une exploitation générale de toutes les mines de la Valachie. Mr. Trandafiroff en impose beaucoup à tout le monde, car il est accompagné dans son voyage d’officiers d’ordonnance du Prince et de l’administrateur du dictrict où il se trouve. Il est muni de lettres du ministre de l’Intérieur Stirbey qui enjoint à toutes les autorités du pays de persuader aux propriétaires de conclure des contrats avec la Compagnie Trandafiroff pour l’exploitation de leur mines. De plus le gouvernement lui concède, par contrat signé par le Prince et les ministres, l’exploitation au nom du gouvernement de toutes les mines du pays que les propriétaires ne mettraient pas en exploitation dix-huit mois après qu’avis lui aura été donné. Droit d’ailleurs que le Règlement Organique accorde au gouvernement seul. La Compagnie Trandafiroff n’était tenue vis-à-vis du gouvernement à aucun autre engagement, si ce n’est à donner deux dixièmes du produit brut, l’un pour le gouvernement, l’autre pour le propriétaire.

L’Assemblée demande à ce sujet des explications en faisant observer aux ministres, que le Prince n’était pas en droit de prendre de tels engagements sans avoir préalablement consulté l’Assemblée. Vellara et Stirbey soutiennent que c’est là une prérogative du Prince et qu’il n’avait pas besoin de la sanction de la Chambre pour mettre à exécution un contrat qui est de la plus grande utilité pour le pays. Constantin Nicolas Philippesco, l’un des députés des districts, fait ressortir les inconvénients de cette concession et fait observer que c’était là créer au Consulat de Russie un nouveau genre d’action et d’ingérence dans les affaires des Principautés. Stirbey reproche à la Chambre de suspecter la pureté des sentiments patriotiques du Prince. Il était stipulé dans le contrat que Mr Trandafiroff faisait venir de la Russie trente mille ouvriers, ce qui ressemblait à une véritable occupation militaire russe mystérieuse et invisible. L’Assemblée vota une adresse au Prince. Cclui-ci lui répondit par un ordre écrit de se renfermer désormais dans l’examen du budget, vu qu’il la considère - y est-il dit - incapable de toute délibération sérieuse. L’Assemblée lui vota une seconde le prince ordonne immédiatement la suspension de la session avant même le vote du budget.

Il circulait depuis quelques jours une charmante petite chansonnette intitulée le Maschasch [Măcieşul], naïves et spirituelles allusions propres à la circonstance. Comme elle était anonyme, plusieurs poètes se sont attribués en secrèt confidentiellement le mérite de l’avoir écrite. On l’a attribuée généralement à Vacaresco et à Eliad. Ainsi quelqu’en soit l’auteur, le même doit avoir fait plus tard le Duhai Duhai mei [măi].

Monsieur Daschoff à l’occasion du vote de la Chambre représente le Prince à Petersbourg et à la Mission de Constantinople comme en butte aux intrigues des boyards, il représente l’Assemblée comme opposée aux concessions accordées à la Compagnie des mines, uniquement parce que les individus qui for­maient cette Association étaient russes. La Mission de Russie à Constantinople avec le Capoukéhaja du Prince représentèrent à la Porte le gouvernement valaque comme impossible avec une Assemblée qui rejetait - disent-ils - tous les projets utiles, uniquement par esprit d’opposition et rien que par les intrigues de quelques boyards ennemis personnels du Prince; ils demandèrent et ils obtinrent la suspension de l’Assemblée par firman. Ce firman fut apporté à Bucarest par un frère du Capoukéhaja et lu en présence du Prince et des boyards réunis au palais du Podou Mogochoï. Il suspend l’Assemblée pour un temps indéfini et accorde au Prince le pouvoir d’exiler et de punir les boyards qui chercheraient à entraver la marche de l’administration.

Monsieur Daskoff fut chargé par son ministère de communiquer au métropolite une dépêche qui exprimait l’indignation de l’Empereur pour s’être mis dans le parti antirusse.

Le colonel Cretzoulesco el Couneski passent du service russe au service valaque comme colonels et aide de camps du Prince. L’état major princier dépasse en nombre et en magnificence celui de son prédécesseur contre lequel il avait tant crié.

De même que son prédécesseur, le prince Bibesco fait des places et des procès un moyen de soutenir les boyards et de se les attacher. Il casse, suivant son bon plaisir, les sentences des tribunaux quand elles ne conviennent pas à ses intérêts et à ses vues. Il destitue tout juge qui ose résister aux injonctions injustes du ministre Vellara. Il donne dans une même affaire deux ou trois ordres successifs et contradic­toires. Il ruine des gens qu’il suppose hostiles à son gouvernement et au profit de ses favorits toutes les fois qu’un procès lui offre l’occasion.

Depuis plus de trois ans Eliad tenait toute la jeunesse en haleine avec son ortographe étymologique; par suite de ces discussions oiseuses, chacun écrivait une langue à soi personnelle et individuelle qu’il comprenait seul, adoptait des terminaisons et des mots qui lui étaient propres. Afin de mettre un terme à cette Babel, quelques personnes se réunissent pour fonder une Société littéraire* ayant pour but d’encourager tout écrit en langue valaque qui aurait un mérite soit littéraire, soit scientifique. Tout ce qui est écrivain en tant soit peu en renom en Moldavie et en Valachie, fait partie de cette Société à l’exception d’Eliad, qui se fait présenter à plusieurs reprises. Mais il est constamment refusé à cause de sa conduite scandaleuse et imorale et pour éviter les intrigues qu’il ne pouvait manquer de faire pour faire tomber l’entreprise. Il avait du reste à cela un intérêt direct. Imprimeur, il devait jalouser la Société littéraire qui se proposait de monter une imprimerie. Cette Société contribuait à la publication à bon marché de tout ouvrage qu’elle jugeait utile; donnait à l’auteur la valeur en argent de trois cent exemplaires et si l’ouvrage pouvait avoir plus d’une édition de mille exemplaires, la société le réimprimait, retirait les frais et laissait tout le profit de l’auteur.

Cette Société fut mise sous le patronage du Prince et même, à l’exception du secrétaire, tous les membres du comité ont toujours été pris en dehors des fondateurs et parmi les boyards les plus intimes du Prince. Jean Vacaresco, Constantin Philippesco et Stefan Golesco, Jean Philippesco, Jean Floresco se succèdent dans ce comité. Les séances du comité sont mensuels et les souscripteurs se réunis­sent tous les ans pour entendre le compte rendu de l’emploi des fonds. Les membres actifs n’ont d’autre prérogative que de donner leur opinion sur les ouvrages que le comité leur envoie pour être examines et pour décider s’il méritent à être imprimés aux frais de la Société, et pour admettre les membres nouveaux que le comité propose. Le Prince accepta le patronage de cette Société.

* 1 Alexandresco, 10 Vacaresco Jean, 1 Alecsandri, 10 Voynesco Jean II, 9 Rosetty (Berlicoco), 2 Bratiano Démetre, 2 Balcesco Nicolas, 3 Cogolniceanu, 7 Negri, 7 Negrutzi, 6 Ghica Ion, 1 Alexandru Golesco, 1 Aron, 8 Oltelnitziano, 10 Voynesco I, 9 Ferekidis, 3 Constantin Moroi, 2 Brailoi, 4 Donici Alex. Le fabuliste, 2 Bolintineano. – Aceste nume sunt trecute cu indicaţia voturilor primite. Lista e anulată în text, cf. F. 214, p. 83. [C.B.]

Cornelia Bodea, Faţa secretă a mişcării prepaşoptiste române – Unitatea naţională, Editura Academiei române şi Editura Nestor, Bucureşti, 2004, pp. 225-279

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